Tout, tout de suite et peut-être plus rien demain

Les rayons du soleil doucement chauffaient ses joues. Fermer les yeux suffisait pour lui rappeler ses jours heureux en Provence, il y a maintenant bien longtemps. Sous ses paupières, une brume ocre formée par la lumière de l’astre scintillant ravivait ses plus beaux souvenir d’antan : les balades entre les roches du Lubéron en été. Cependant, l’odeur d’œuf pourri d’une pollution dense et toxique la ramenait très vite à la réalité : celle d’une nature en décomposition. Le mot d’ailleurs n’avait pas plus de réalité à cette époque que celle des dinosaures. Le soleil seul fournissait des faibles sensations pour que les terriens se rappellent qu’un jour la vie ici fut douce. Le châtiment éternel imposé aux quelques millions d’humains restant.

Certaines personnes, suffisamment aisées, s’offraient ce qu’on appelait désormais des sensations antiques : une bouffée d’air frais jalousement conservées, la texture d’une feuille de palmiers bien protégée ou encore le goût du vin AOC depuis longtemps passé. En 2083, nous sommes à nos aïeux de 2020 ce qu’ils étaient pour les philosophes grecs : une bande d’enfant gâtés qui n’avaient pas voulu croire au réchauffement climatique. Pourtant, nous avions été mis en garde bon nombre de fois… Mais l’instantanéité, la consommation de masse et la mobilité nous avaient paru plus importants.

Nous voulions tout tout de suite, quitte à ne plus rien avoir après. Aujourd’hui, notre ambition a été revu à la baisse : nous voulons juste assez pour survivre, quitte à disparaître à la fin du siècle.

La poignée de scientifiques toujours en vie a tout planifié : comme un cancer qui aurait envahi la terre et qui tous nous affecterait, nous ne vivrons pas au-delà de la deuxième décennie du centenaire suivant. Au-delà, plus assez de ressources, nos corps trop faibles pour supporter des conditions climatiques extrêmes nécroseront comme nous avons abimé la planète bleue.

Nous humains sommes le terreau fertile du mal qui envahit le globe, et qui exterminera complètement la prochaine génération, la dernière. Depuis 2020 nous avons perdu 33 cm de taille moyenne, et 24 kg en poids moyen. Nombre de pays ont disparu sous les eaux : l’Océanie toute entière, le Japon, une partie des pays scandinaves, etc. Les animaux sauvages n’existent plus, seuls survivent quelques rares chiens et chats difformes.

Et dire qu’en 2019 notre grande problématique était liée au financement des retraites. Sujet qui tous nous opposait. Des millions de personnes se battait corps et âme pour défendre les finances d’un futur qu’on savait déjà pourtant très peu sûr sur le plan économique. On n’envisageait pas encore l’ampleur du risque que nous prenions à détruire nos forêts, à assécher nos vallées et à empoisonner le bleu des océans. Comment croire au feu lorsque l’on ne voit pas l’étincelle ?! Et pourtant partout la température montait, les mers débordaient et les icebergs coulaient… Trop occupés à tirer le meilleur profit des ressources naturelles, nous avions perdu la sensation de satiété : un mode de vie plus frugal n’était même pas envisageable. Mais ce genre de lucidité n’a qu’un temps, à charge de la nature de nous rappeler que nous avons été trop violents.

En 2020 les médias avaient décidé de concentrer notre anxiété sur un virus pour faire le buzz. Oubliant que celui-ci ne serait jamais aussi désastreux que le venin que nous injections à notre cher habitat terrestre. La maladie que nous propagions partout, le CO2, ne nous paraissait alors pas plus dangereuse. Ça, nous nous en accommodions.

Des initiatives éco-coresponsables comme la villa Shamengo à Bordeaux étaient pourtant censées nous remettre sur le bon chemin : celui de la protection de notre écosystème. Mais pour cela, très peu descendaient dans la rue, et seules quelques rares images étaient diffusées dans les infos. Il semblerait que l’intérêt collectif soit bien moins passionnant… Nos financiers excellaient lorsqu’il s’agissait de programmer des investissements rentables à court, moyen et long terme. Les politiques quant à eux savaient protéger leur carrière au sommet du gouvernement avec la plus grande habilité. C’est sans doute ce qu’on apprenait le mieux à l’ENA. Aujourd’hui, plus de polytechnique ou d’HEC, juste quelques économistes reconvertis pour évaluer le rationnement nécessaire en vue d’une mort lente et douloureuse d’ici 40 à 50 ans.

Mais cela est une fiction, il est encore temps de raisonner. Commençons déjà par supporter l’initiative de Catherine avec Shamengo. Signez la pétition ici

Signez notre pétition et partagez-la !

Depuis le 3 janvier 2020, les travaux de la Villa Shamengo qui avaient bien commencés ont été suspendus par la justice, sous la pression d’un groupe de riverains opposés au projet.

En attendant de déposer un permis de construire modificatif, aidez-nous à faire la preuve que ceux qui soutiennent ce projet sont plus nombreux que ceux qui s’y opposent. Merci !

Signez la pétition en cliquant ici

Faire d’une utopie une réalité

Vous ne connaissez pas encore la Villa Shamengo, cette « maison-école-laboratoire du nouveau monde » en projet au cœur de la rive droite bordelaise ? Vous ne savez pas qu’elle est menacée de disparaître avant d’être née, pour d’obscures raisons de voisinage ?

Merci de prendre quelques instants pour en savoir plus sur la Villa et sa contribution à la préservation de la planète, et sur l’implication des bordelais et néo aquitains de tous âges dans ce combat.

Merci aussi de vous informer sur le débat qui oppose soutiens et adversaires de cette initiative pour le développement durable.

Merci enfin, une fois votre opinion faite, en faveur de Shamengo nous l’espérons, de nous aider à reprendre les travaux interrompus pour faire de cette utopie une réalité concrète.

Merci de signer et de partager la pétition pour la Villa Shamengo.

 

LE PROJET VILLA SHAMENGO BORDEAUX EN MOUVEMENT

En octobre dernier, nous avons commencé la construction de la Villa Shamengo au cœur de Bordeaux : un démonstrateur urbain temporaire de 5 ans, éco-construit sous forme de chantier participatif, avec plus de 150 innovations vertes, sociales et sociétales en provenance du monde entier.

Cette expérimentation unique au monde, a été conçue pour permettre à tous les citoyens et plus particulièrement aux jeunes générations, de mieux comprendre les enjeux du monde de demain et les façons d’y répondre, en découvrant un large éventail de solutions mais aussi en se formant de manière concrète et ludique à l’éco-citoyenneté et aux métiers du futur.

Les premières semaines de ce chantier-école ont été magiques. Une majorité de Bordelais, mais aussi des Français et des Européens sont spontanément venus donner de leur temps. Pendant une après-midi, une journée, une semaine, ces dizaines de bénévoles de la première heure, des enfants, des étudiants, des actifs de tout horizon, des retraités, des mères de famille, des chômeurs, ont vécu, comme l’indiquent leurs témoignages, un moment inoubliable, porteur de sens et d’espoir. Ils ont tissé des liens forts entre eux mais aussi auprès des innovateurs, baptisés « pionniers Shamengo », venus apporter leurs solutions et partager leurs secrets de fabrication.

Le bouche-à-oreille a fait boule de neige. Démarré sans aucune campagne de communication, ce chantier-école prévu entre octobre 2019 et octobre 2020 nous a permis, en quelques semaines, d’attirer l’attention de nombreuses personnes.

Des enseignants du primaire, secondaire et supérieur nous ont contactés pour faire participer leurs élèves en mode learning by doing (apprendre en faisant). Des innovateurs, dont nous n’avions jamais entendu parler, nous ont demandé de pouvoir utiliser ce laboratoire à l’échelle 1, pour tester, améliorer et faire connaître leurs innovations sur le marché. Des représentants institutionnels nous ont approchés, comprenant que nous tenions entre les mains un outil inestimable pour stimuler la création de richesse et favoriser le développement économique de la région. Des citoyens de tout âge ont fait part de leur envie de participer à cette master class géante, pour un jour, pouvoir construire leur maison écologique et se former, dès à présent, à des modes de vie plus vertueux.

La mécanique était lancée. Les 5 ans que nous avions passés à obtenir une occupation temporaire de l’espace public auprès de Bordeaux Métropole ainsi qu’un permis de construire exécutoire, la conception architecturale et la programmation de l’espace imaginé lors d’ateliers d’intelligence collective avec de nombreux bordelais, sans oublier la mise au point du rétroplanning des travaux avec toutes les parties prenantes… tout ce fastidieux travail portait enfin ses fruits. Nous étions en train de construire le monde auquel nous aspirons, au sens le plus littéral du terme.

 

« NON LES BRAVES N’AIMENT PAS QUE L’ON SUIVE UNE AUTRE ROUTE QU’EUX »

C’était sans compter l’opposition farouche de quelques riverains, qui ont réussi, en déposant un référé le 22 décembre 2019 auprès du tribunal administratif de Bordeaux, à faire suspendre les travaux de la Villa Shamengo depuis le 3 janvier 2020. Ils n’en veulent pas « au fond de leur jardin ».

Nous avons donc dû tout arrêter. Il va sans dire que ce coup dur a déjà des incidences immédiates dommageables pour nombre de nos partenaires académiques et industriels, sans parler de certains de nos collaborateurs dont nous avons dû nous séparer.

Que va-t-il se passer maintenant ? Nous attendons que la justice se prononce sur le fond de l’affaire… à savoir si notre occupation provisoire de l’espace public et notre permis de construire sont bien conformes à la loi, et si nous pouvons reprendre les travaux le plus rapidement possible.

Nous avons bien conscience que cette affaire n’est pas facile à juger, car elle sort du cadre habituel. Comme le rappelle si bien Boris Cyrulnik « Tout créateur sort de la norme. Toute innovation est anormale ».

 

LA LOGIQUE DE L’INNOVATION ET DE L’INTÉRÊT GÉNÉRAL

Or, dans ce projet, tout est innovant. Qu’il s’agisse des aspects constructifs, réglementaires, juridiques, sociaux, environnementaux ou financiers.

Lauréat du programme d’investissements d’avenir dans la catégorie « Démonstrateur urbain », cette expérimentation non lucrative portée à la fois par une association nationale, Shamengo et une association locale, Burdigaïa, est financée à hauteur de 45 % par l’État, qui impose de facto, au porteur de projet d’apporter les 55 % restant de financement, par du sponsoring privé.

C’est ainsi que nous avons démarché les entreprises Eiffage, Immobilière 3f, BNP Paribas et SNCF Réseau, toutes ces entreprises ayant acceptées dès le départ de n’avoir aucun droit de regard sur les choix et la gouvernance du projet.

Nous avons ainsi eu, une totale liberté d’action pour choisir les éco-matériaux que nous souhaitions utiliser pour la construction de la Villa Shamengo.

 

PENSER DES LE DÉPART AU DÉMONTAGE DE LA STRUCTURE

Pour éviter de la voir s’enfoncer (le sol limoneux est très instable en bordure de Garonne) ou de la voir s’envoler (les vents peuvent être violents le long ce corridor fluvial), nous avons eu l’obligation de mettre des fondations.

Nous avons opté pour une technique ancestrale totalement délaissée depuis un siècle, celle des pieux en bois. Ce choix écologique plus onéreux qu’une chape en béton a, pour nous, bien des vertus. Il répond aux enjeux du réchauffement climatique (le bois est un formidable piège à CO2), mais aussi au soutien de l’économie locale (ces troncs de pin non traités sont issus d’une exploitation forestière située à quelques dizaines de kilomètres du chantier).

À l’issue de notre expérimentation de 5 ans, ces pieux en bois, n’étant pas immergées dans l’eau et donc, n’étant pas imputrescibles, se désagrègeront progressivement dans le sol, pour rendre ce terrain, propriété de Bordeaux Métropole, comme nous l’avons trouvé en arrivant.

 

CONFIANCE DANS LA JUSTICE

Nous avons foi en la justice de notre pays et préparons toutes les pièces nécessaires pour prouver, que oui, cette expérimentation est bien provisoire, et oui, son financement hybride, imposé par l’État, et sa gestion d’exploitation, ne remettent aucunement en cause son caractère d’intérêt général.

 

GAGNER LA BATAILLE DE L’OPINION

En attendant, nous avons besoin de gagner la bataille de l’opinion. Nos opposants, 80 familles réunies dans une association, clament haut et fort que presque personne, à Bordeaux, rive droite, dans le quartier de la Bastide, là où nous sommes installés, ne souhaite ce projet.

L’objectif de cette pétition est de prouver le contraire… en ralliant à notre cause, non seulement des habitants du quartier, qui souhaitent profiter de ce living lab ludo-educatif à deux pas de chez eux et dont l’entrée sera gratuite, mais aussi de nombreux Bordelais, Français et citoyens du monde, concernés par l’avenir de notre planète, qui souhaitent faire de cette utopie, une réalité, pour ré-enchanter le monde dans lequel nous vivons.

 

LE SENS DE LA PÉTITION

Grâce à vos signatures, faisons la preuve que ceux qui soutiennent ce projet sont plus importants que ceux qui s’y opposent. Faisons la preuve qu’un espace public n’est pas uniquement la propriété de ceux qui vivent à proximité.

Faisons la preuve, qu’à l’heure de l’urgence climatique, l’intérêt collectif passe avant les intérêts particuliers.

Faisons la preuve que la richesse d’un quartier et plus largement d’une ville est le fruit de choix stratégiques. Faisons la preuve que tout projet pédagogique visant à promouvoir de nouveaux modes de production et consommation participe au développement économique d’un territoire.

Faisons la preuve, que la France est encore une terre d’innovation, peut-être même l’un des terreaux les plus fertiles au monde pour ré-inventer après le siècle des Lumières, une nouvelle civilisation planétaire, plus respectueuse de soi, des autres et de la planète à l’aube du 3e millénaire.

Dites OUI ! à la Villa Shamengo à Bordeaux.

Et si le oui l’emporte sur le non, nous vous proposerons de venir co-construire avec nous la suite de ce projet afin qu’il réponde pleinement aux attentes de toutes les parties prenantes. Il y a encore tant à faire… tous ensemble !

 

Pour aller plus loin

– Signez la pétition et partagez-la !

– Complétez votre information en consultant notre FAQ

– Adhérez à l’association locale Burdigaïa et rejoignez la communauté Shamengo

– Participez aux ateliers d’intelligence collective et chantiers participatifs

Du 24 au 26 octobre, construisons ensemble la base vie de la Villa Shamengo !

Vous avez toujours voulu apprendre à construire avec des palettes ? Vous rêvez de construire une maison 100% issues de matériaux recyclés ? Croyez-vous que c’est possible en un jour et demi ? Eh bien, nous avons de bonnes nouvelles pour vous ! Les 24,25 et 26 octobre, l’équipe de la Villa Shamengo organise justement un atelier de construction avec palettes (et pas que !). Nous prévoyons de construire la base de vie sur le site de notre chantier en 48h. Et pour cela, nous avons besoin de vous !

Nous aurons la chance de bénéficier de la formation de Jean-Claude Escriva, pionnier fondateur de l’innovation Rescooz, une solution qui permet de construire des abris d’urgence en palette de bois, montables en une journée.

Nous vous proposons aussi de rencontre Jean-Claude Escriva le 25 octobre lors d’un temps d’échange informel. Si cette opportunité vous intéresse, inscrivez-vous.

Pose de la première pierre de la Villa Shamengo

Si vous avez envie de découvrir pendant les 24 heures de notre « happening canapé » la future Villa Shamengo (qui n’a pas encore de toit, ni de mur mais déjà des canapés !), toute notre équipe se fera un plaisir de vous accueillir le 5 juin 2019, une date que nous n’avons pas choisi au hasard, puisqu’il s’agit de la journée mondiale de l’environnement.

Vous pourrez y découvrir en avant-première, une sélection d’activités que vous retrouverez dans la Villa, une fois ouverte : des visites en réalité augmentée, des rencontres privilégiées avec des pionniers Shamengo, des projections-débats mais aussi des ateliers qui seront pour l’occasion somptueux, onctueux ou savoureux : fresque géante en teinture naturelle, disco soupe, cookies à base de pain recyclé pour les petits, DIY cosmétiques naturels, ateliers brasseur de bière, fabrication de meubles grâce au réemploi…

Si vous êtes de ceux qui osent penser que nous pouvons tous devenir des “shaman” du nouveau monde en développant notre conscience et nos savoir-faire éco-responsables, alors ne recyclez pas l’idée de venir à cet événement !

Nous vous attendons nombreux, petits et grands : réservez vos places dès maintenant pour bénéficier d’un traitement VIP (nombre de places limité pour certaines activités).

Retrouvez le programme de l’événement et inscrivez-vous sur MeetUp

Que sont-ils devenus ?

Shamengo a tourné votre portrait de pionnier Shamengo en 2009. Où en êtes-vous aujourd’hui ? Qu’est devenu votre projet ?

J’ai vieilli et mon corps est douloureux après toutes ces années de dur labeur! Plus sérieusement, mon entreprise de location de chèvres en remplacement des tondeuses à gazon que j’ai fondée il y a 16 ans a connu une belle expansion. J’ai développé la clientèle d’entreprises et de collectivités parallèlement aux particuliers. 75 % de mes clients sont devenus réguliers et le chiffre d’affaires a doublé en dix ans. J’ai vraiment réussi à créer un marché de niche grâce à mon procédé écologique, sans bruit ni pesticide. Je pense que le marché continuera à croitre à cause d’un nombre de plus en plus élevé de feux de broussailles et de l’apparition d’espèces envahissantes. J’interviens dans différents contextes : des jardins, des pâturages, des bassins de rétention d’eau, des sites urbains. De plus, j’ai développé le seul et unique système de franchise qui existe dans ce domaine. Nous avons maintenant 4 franchisés dans les États du Texas, du Tennessee et de Washington. Deux nouvelles franchises sont en cours.

Ce qui a également changé depuis le tournage, c’est ma situation personnelle. Je suis mariée et j’ai deux ados à la maison maintenant. Ma femme m’aide énormément dans la gestion quotidienne de mon entreprise. Avant, je devais tout faire toute seule. Depuis que nous sommes deux aux manettes, je me sens soulagée et soutenue. Elle me donne un bon coup de main sur le marketing, le site internet, la gestion administrative…

Il y a aussi un autre changement qui a nettement amélioré ma qualité de vie. Avant 2012, je me déplaçais avec mon camion et sa remorque. Il y a 7 ans, j’ai pu m’acheter une caravane. Cela fait vraiment une grosse différence ! Il faut savoir que je passe au minimum trois jours sur site. Mes missions peuvent durer jusqu’à un mois. Je dors sur place, dans ma roulotte confortable, et je vis au quotidien avec mes chiens et mes chèvres.

 

Quel est votre plus beau moment ? Et le pire ?

Depuis que je fais ce métier (avant, je travaillais dans le secteur paramédical), j’ai le sourire aux lèvres quand je vois mes chèvres heureuses et en bonne santé. Quand je débarque chez un particulier ou une entreprise, surtout lorsqu’il s’agit de zones urbaines ou périurbaines, je constate que je « fais l’événement ». Les gens sont toujours étonnés de voir ces bêtes gambader et brouter en dehors de leur environnement naturel. Mon activité suscite toujours des questions, des commentaires de la part des voisins, des passants, des salariés. Ils semblent excités par ce qui se passe qui sort de l’ordinaire. Mes chèvres ont le pouvoir de fédérer et d’instaurer une bonne ambiance dans les sites où je travaille. C’est vraiment cool !

Les pires moments sont ceux où j’ai senti que mes bêtes étaient en danger ou quand elles se sont échappées. On pense que les chèvres sont des animaux qui peuvent manger n’importe quoi et qui résistent à tout. C’est faux. Il existe de nombreuses plantes vénéneuses comme les plantes d’ornement par exemple, qui peuvent les rendre malades. Il faut sans cesse surveiller le troupeau quand les chèvres font leur travail. Avec 120 bêtes, je ne peux pas avoir l’œil partout. Je suis aussi nerveuse quand je constate qu’une chèvre s’est faufilée à travers le grillage d’une clôture. J’ai toujours peur qu’elles se fassent écraser quand on est en ville, ou qu’elles se fassent attaquer par des pumas ou des coyotes. Une fois, j’ai dû appeler les pompiers pour aller sauver une chèvre qui s’était perdue au bord d’une falaise. Pour ces raisons, je me déplace toujours avec une trousse de secours pour les soins de première urgence en cas d’intoxication ou de fracture par exemple.

 

Quels sont les enseignements que vous avez tirés de cette expérience ?

Dans mon métier, il faut avoir à l’esprit deux choses essentielles. D’abord, il faut toujours savoir écouter sa petite voix intérieure, son intuition. Quand je vois une clôture qui ne me parait pas solide et qui laisse à désirer, je me dis : « il y a un risque qu’une chèvre saute par dessus ou trouve un endroit pour passer et filer ». Au début, je me faisais ce type de réflexion, mais je n’agissais pas. Après, j’ai compris ce qu’il fallait faire pour éviter des situations compliquées. Deuxièmement, il est important d’inspecter systématiquement les sites où les chèvres sont installées. La vigilance permet là aussi de faire face à situations difficiles à gérer. Je passe donc du temps à vérifier et à contrôler plutôt deux fois qu’une !

 

« J’aimerais que mes standards deviennent ceux de l’industrie. Des standards de qualité très élevés ! »

 

Quels sont vos projets d’avenir ?

J’ai un projet de livre. J’ai déjà pensé à son titre : « La légende d’une éleveuse urbaine de chèvres ». Le problème est qu’avec ce travail qui me mobilise 7 jours sur 7, 24 heures sur 24, je n’ai pas le temps d’écrire. J’ai trouvé une parade. J’enregistre des bouts d’histoires et des anecdotes que j’ai vécues. J’espère qu’un jour, je trouverai quelqu’un pour les mettre sur le papier.

Concernant mon entreprise, j’ai évidemment envie qu’elle pérennise. Je veux développer encore davantage les franchises, grâce à ce qui fait notre différence par rapport aux 400 autres concurrents sur le marché, c’est-à-dire l’éthique et le soin que nous apportons à nos bêtes. Nous travaillons uniquement avec des chèvres en bonne santé et heureuses. Pour les plus anciennes qui ne peuvent plus donner d’elles-mêmes, nous les confions à un « centre pour chèvres retraitées ». Chez nous, les chèvres ne partent jamais à l’abattoir et ne sont jamais exploitées. Nous ne vendons pas non plus les petites biquettes. Nous offrons à nos bêtes une nourriture saine et écologique. Contrairement à ce que l’on pense, les chèvres sont intelligentes. Elles adorent jouer et ont des personnalités bien distinctes. Nous les respectons et nous les aimons. J’aimerais que mes standards deviennent ceux de l’industrie. Des standards de qualité très élevés !

À plus court-terme, j’ai envie de me libérer du temps pour être davantage auprès de ma famille et prendre des vacances. Je ne souhaite plus passer tous les mois d’hiver à l’extérieur. J’aspire à un meilleur équilibre entre vie privée et vie professionnelle. Dans cette optique, j’envisage de recruter quelqu’un pour me seconder. J’ai également pour objectif d’aider nos franchisés à se développer. Pour cela, je vais tout faire pour consolider les relations que nous avons tissées avec les clients déjà existants et élargir la clientèle corporate.

 

Quels sont les messages que vous aimeriez partager avec les membres de la communauté Shamengo ?

J’informe toute la communauté Shamengo que je vends des franchises aux États-Unis et à l’international. Si des personnes sont intéressées de répliquer le concept, en Europe ou ailleurs, je suis preneuse. Cela ne sert à rien de réinventer la roue. Nous proposons un kit de formation complet clé en main comprenant des outils opérationnels et des conseils que ce soit en matière de logistique, de sécurité, de santé, de soins vétérinaires… J’ai déjà reçu des demandes du Canada et d’Amérique latine. À bon entendeur !

 

 

(Re)découvrez le portrait vidéo de Tammy Dunakin

Que sont-ils devenus ?

Shamengo a tourné votre portrait de pionnier Shamengo il y a quelques années. Où en êtes-vous aujourd’hui ?

Fort heureusement, nous avons avancé ! De plus en plus de jeunes médecins s’intéressent aujourd’hui à l’hypnose. En 2012, je me souviens que cet outil était utilisé uniquement pour des patients en chirurgie et des patients souffrant de douleurs chroniques. Depuis, de nombreuses études en oncologie ont été menées. Il a été démontré que l’hypnose pouvait améliorer de manière significative le bien-être des patients atteints du cancer ou en phase de rémission. L’hypnose est aussi utilisée pour des patients en soins palliatifs. Elle permet en effet de réduire l’état de fatigue, l’anxiété, les ruminations de l’esprit. Apprendre à prendre soin de soi s’adresse aux malades, mais pas seulement, cela nous concerne tous. Je travaille sur trois axes en particulier : l’estime de soi, la confiance en soi et le respect de soi et des autres. Je collabore avec de jeunes chercheurs qui conduisent des travaux sur l’évaluation du processus hypnotique.

Dans le cadre de cette recherche fondamentale, nous sommes amenés à investiguer des sujets passionnants comme la mémoire et la conscience. Par exemple, mes collègues et moi-même nous intéressons aux bénéfices de la méditation et cherchons à comprendre en quoi cette pratique diffère de l’hypnose. Nous étudions également les phénomènes d’expériences de mort imminente (EMI) et de transes chamaniques et comportementales. Par ailleurs, je suis les travaux de recherche réalisés par une jeune doctorante sur les effets bénéfiques de l’hypnose en lien avec les thérapies cognitives. Comme vous le constatez, le spectre de recherche est large et les possibilités à explorer sont encore très vastes.

 

« Mon seul but est de révéler à chaque patient sa capacité à prendre soin de lui et lui faire comprendre que la solution n’est pas à l’extérieur de lui, mais en lui. »

 

Mon objectif est d’offrir au personnel médical participant à mes formations un savoir-faire suffisant pour entraîner des changements thérapeutiques, permettre par ses capacités propres d’adapter et de développer cet outil thérapeutique dans sa pratique professionnelle et d’utiliser l’hypnose pour son évolution personnelle. En ce qui concerne les patients qui prennent part à mes ateliers de formation de groupe, je propose différents exercices comprenant des stratégies, c’est à dire des tâches à réaliser. Nous identifions 5 à 6 stratégies, le rôle du patient étant de passer de la théorie à la pratique. Cinq semaines plus tard — ou une semaine plus tard pour les patients en oncologie — nous reparlons des stratégies et des actions mises en œuvre. Par exemple, le patient a-t-il réussi à dresser la liste de ses besoins en se recentrant sur lui-même ? Dans cet exercice, j’insiste sur la différence entre les envies, les besoins et les valeurs. Je mets également l’accent sur l’importance du regard de l’autre sans tomber dans la dépendance vis-à-vis d’autrui. Une fois encore, mon seul but est de révéler à chaque patient sa capacité à prendre soin de lui et lui faire comprendre que la solution n’est pas à l’extérieur de lui, mais en lui.

 

Quel est votre plus beau moment ? Et le pire ?

Ce qui me donne beaucoup de satisfaction au quotidien, c’est de constater l’évolution positive des patients et leur mieux-être. Il m’arrive de rencontrer des patients au hasard. Quand ils m’expliquent qu’ils appliquent toujours ma méthode, parfois des années après, je suis toujours très heureuse. Récemment, une personne que je connaissais a dû se faire poser un stent cardiaque. L’opération était délicate. Grâce à l’hypnose, elle a réussi à rester trois heures dans un état de parfaite mobilité. Tous les témoignages de patients que je recueille donnent beaucoup de sens à mon action. Je m’enrichis de leurs retours et je transmets à mon tour. Je me sens ainsi appartenir à une chaine humaine. Mon outil s’améliore sans cesse sur la base des échanges et des interactions avec les patients. Je communique beaucoup et de façon bienveillante en tentant de m’appuyer un maximum sur les ressources de la personne. Il me semble important de rappeler que la médecine ne se remplace pas. Elle a toute son utilité et efficacité au travers des outils qu’elle propose, que ce soit la pharmacologie, la chirurgie ou encore d’autres techniques spécifiques. Mais, je pense tout aussi fondamental de mettre l’accent, en parallèle, sur les ressources du patient qui possède les moyens d’améliorer son état de santé. Je sus convaincue que chacun peut être acteur de sa santé.

 

« J’ai un principe dans la vie qui m’a aidée à surmonter des comportements hostiles : je n’ai pas d’énergie à investir dans les conflits. » 

 

Évidemment, mon outil n’a pas toujours fait l’unanimité que ce soit au niveau des patients ou du corps médical. J’ai pu être blessée, par le passé, par certaines personnes, attitudes ou encore par certains commentaires. J’ai un principe dans la vie qui m’a aidée à surmonter des comportements hostiles : je n’ai pas d’énergie à investir dans les conflits. J’ai également de grandes poches pour mon orgueil ! Je suis d’une nature optimiste. C’est un atout dans ce type de situations. Ma famille, en particulier mes enfants et petits-enfants, m’ont aidée à aller de l’avant et prendre du recul. Ma vie privée est une grande source d’épanouissement pour moi. Je pense également aux patients en soins palliatifs que j’accompagne jusqu’à la mort. Je réalise chaque jour à quel point la vie est un cadeau. Je m’interdis de m’enfermer dans le passé et de regarder trop loin vers le futur. Je vis pleinement l’instant présent.

 

Quels sont les enseignements que vous avez tirés de cette expérience ?

J’ai vraiment une grande chance de travailler avec de jeunes médecins et chercheurs. En 30 ans, l’évolution en termes d’état d’esprit est très intéressante. La jeune génération est avide d’apprendre à bien faire, à bien soigner. Ils sont non seulement désireux d’acquérir les connaissances et compétences nécessaires pour être techniquement excellents, mais ils ont aussi envie d’être dans la communication, la bienveillance et le respect du patient. La dimension relationnelle a pris beaucoup d’importance. Les jeunes médecins sont soucieux de redonner au patient du pouvoir dans la gestion de ses difficultés et son processus de guérison. Nous sommes loin de l’image d’Épinal du médecin dont la parole est sacrée et le diagnostic est infaillible. Chaque jour, je me dis que j’ai de la chance de collaborer avec des jeunes médecins et chercheurs merveilleux. Pour ma part, j’arrive en fin de carrière. J’ai eu le temps de mûrir mon parcours et mon approche. Je transmets aujourd’hui mon savoir à des personnes qui sauront assurer la relève, notamment mon fils qui est anesthésiste en soins intensifs. J’essaie dans la mesure du possible de valoriser tous les jeunes avec lesquels je travaille : je leur laisse la place dans les congrès et les publications. Je me mets en retrait, et je le fais très volontiers. Ce qui me donne de l’espoir, c’est que ces jeunes ont compris la nécessité de co-construire avec les patients leur parcours de santé. Je crois que le fait d’être né dans une société de l’information où l’accès aux données est facilité a contribué à changer la posture des médecins.

 

Quels sont vos projets d’avenir ?

J’ai un projet qui me tient vraiment à cœur. J’aimerais mettre à disposition le fruit de mon travail et de mes recherches au travers d’une application sur smartphone à l’attention des patients. J’envisage de développer, avec l’aide de jeunes qui maitrisent les nouvelles technologies, une application avec les différentes stratégies que je propose déjà à mes groupes de patients. L’application sera évidemment ludique et interactive. Elle permettra d’apprendre à prendre soin de soi. Je crois qu’un tel outil digital pourrait aider de nombreuses personnes à réfléchir davantage sur elles-mêmes et faire de meilleurs choix. Dans le futur, j’espère également continuer à former des patients, mais aussi le personnel médical comme des psychologues par exemple. Enfin, j’aspire à approfondir mes travaux de recherche sur le champ de la conscience. En effet, il me parait essentiel de parvenir à comprendre les troubles de la conscience que l’on retrouve dans des maladies psychiatriques telles que la schizophrénie, la dépression, les états hallucinatoires… mais aussi les états de conscience modifiés ou altérés.

 

Quels sont les messages que vous aimeriez partager avec les membres de la communauté Shamengo ?

La curiosité est une qualité essentielle quand on entreprend un projet novateur. Par exemple, j’ai été formée à l’hypnose Ericksonienne, mais je reste ouverte et à l’écoute de toute suggestion d’enrichissement de ma méthode, y compris de la part des membres de la communauté Shamengo. Rester ouvert tout en conservant un sens critique me parait tout aussi important, surtout dans le domaine de la santé. Diffuser une solution innovante exige, selon moi, d’avoir une certaine rigueur et honnêteté intellectuelle. Il faut pouvoir avancer des arguments solides et faire la preuve du concept avant de mettre la solution sur le marché. Aujourd’hui, il y a un grand nombre de non professionnels de santé qui proposent des offres. Il faut veiller à ce que les innovations proposées soient toujours conçues et déployées dans le respect et pour le bénéfice du patient. Au fond, quand il y a de l’humain, il y a de la fragilité. Dès lors, les approches ne peuvent pas être que techniciennes. Il faut développer des approches plus humanistes et sensibles.

 

 

(Re)découvrez le portrait vidéo de Marie-Elizabeth Faymonville

Que sont-ils devenus ?

Shamengo a tourné votre portrait de pionnier Shamengo en 2010. Où en êtes-vous aujourd’hui ? Qu’est devenu votre projet ?

J’ai quitté en 2015 l’association que j’avais fondée en 2000, Ethical Vegetarian Alternative (EVA). J’ai eu un passage à vide : j’ai fait un burn-out. J’avais trop de choses à gérer, notamment des problèmes de gestion du personnel. Cet incident de parcours m’a permis de me questionner tant au plan personnel qu’au plan professionnel, en tant que dirigeant leader. Durant près de neuf mois, je suis resté chez moi à me poser tout un tas de questions sur moi, le sens de ma vie, mes envies, mes aspirations. Je dois avouer que cette période d’introspection a été très bénéfique au final. Cette parenthèse forcée m’a permis de trouver ma voie et de prendre du recul sur mon engagement et ma direction de vie. Depuis ce moment, j’évolue en solo en tant que bloguer pour mon site The Vegan Strategist, auteur, conférencier et consultant en lien avec des organisations internationales visant à promouvoir le véganisme. Je suis, par ailleurs, très investi dans une organisation d’origine allemande intitulée Pro Veg.

Je veux m’adresser prioritairement aux végétariens, véganes et activistes pour les aider à devenir plus influents et plus efficaces dans leur communication. Je partage mon expertise pour les accompagner dans la construction de discours plus impactant, et surtout moins agressifs, car c’est souvent ce qui est reproché aux militants véganes. Depuis le tournage de Shamengo, j’ai écrit un livre « Comment créer un monde végane ? » qui propose une approche pragmatique du sujet et des conseils utiles. Cet ouvrage a, semble-t-il, répondu à certaines attentes, car il a été largement lu, au-delà de la Belgique, et a déjà été traduit en deux langues.

 

Quel est votre plus beau moment ? Et le pire ?

Ce qui m’a apporté le plus de joie et de satisfaction est le succès qu’a rencontré la campagne « Jeudi sans viande » que j’ai lancée à Gand dès 2009. À force de persévérance, j’ai réussi à convaincre des collectivités, des restaurants, des hôpitaux et des cantines d’adopter un menu végétarien une fois par semaine. Cette campagne a beaucoup fait parler d’elle. Nous avons été impressionnés par la couverture presse dont a bénéficié le lancement du « Jeudi sans viande ». J’ai été heureux de voir que la question des bienfaits d’une alimentation végétale intéressait un grand nombre de personnes et que la majorité des Gantois étaient prêts à s’essayer à une journée non carnée. C’était un signal positif d’évolution des comportements !

Le pire moment est évidemment lié à mon burn-out. Comme je l’ai indiqué, cet épisode m’a obligé à m’interroger sur mes capacités en tant que leader. J’ai beaucoup douté de moi-même à certains moments. Mais, au final, la réflexion a été fructueuse puisque j’ai décidé de passer d’un rôle de leader d’hommes à un rôle de leader d’opinion. Et cela me correspond parfaitement !

 

Quels sont les enseignements que vous avez tirés de cette expérience ?

Je me suis souvenu que je voulais à tout prix changer ma personnalité lorsque j’étais à la tête d’EVA. Je voulais me transformer en tant que dirigeant et en tant qu’humain. Mais, il faut parfois se rendre à l’évidence. Il y a des choses qui sont immuables. La seule solution est d’accepter, et surtout de s’accepter avec ses forces et ses fragilités. Quand je dirigeais EVA, j’ai été confronté à de nombreux défis. J’étais contraint de prendre des décisions stratégiques et opérationnelles tous les jours. Pour cela, il faut montrer que l’on est sûr de soi et des choix que l’on fait. En fait, ce n’était pas mon cas. Au fond, je crois que j’ai l’âme d’un philosophe : je doute toujours et j’ai une propension à être dans l’incertitude. Aujourd’hui, je me sens vraiment à ma place en tant que leader d’opinion. Il est donc important de bien se connaitre pour savoir où l’on sera le plus épanoui et efficace.

Le deuxième enseignement concerne ma connaissance de l’entreprise. J’ai créé EVA sous la forme d’une association à but non lucratif. J’ai dû apprendre à parler le langage du « business ». Je n’ai réalisé que tardivement la nécessité d’avoir une offre de produits/services pour assurer un modèle économique viable.

Pour ce qui est du troisième enseignement, je parlerai du « flair du bon timing ». J’ai constaté que parfois, une idée ou un projet arrivait trop tôt. Par exemple, aujourd’hui, les entreprises comprennent l’importance du véganisme. Il y a quelques années, c’était beaucoup plus difficile de faire passer ce type de messages. Par conséquent, les idées peuvent être bonnes et pertinentes, mais le marché n’est pas prêt à les accueillir. Il est important de savoir investir son énergie dans ce qui est faisable compte tenu de la situation à l’instant T.

 

Quels sont vos projets d’avenir ?

J’envisage tout naturellement de poursuivre mes activités de sensibilisation et de formation ainsi que mes conférences inspirantes partout à travers le monde. Dans ce contexte, j’accompagne des acteurs de la filière agroalimentaire tels que des producteurs, des restaurants, des supermarchés à mieux prendre en compte ces sujets et à intégrer, dans leurs métiers respectifs, les bienfaits d’une alimentation végétale. J’aide également à promouvoir un label de certification végane. Par ailleurs, je travaille avec des écoles et des start-up qui s’intéressent à cette problématique. Je donne un coup de pouce à des incubateurs qui les hébergent dans la phase d’amorçage.

Je suis également très impliqué dans l’association internationale Pro Veg qui prépare actuellement l’organisation d’une conférence sur le thème de l’alimentation végétale et de la transition agroalimentaire. Je participe à l’élaboration du programme de cette journée.

Enfin, j’ai un projet d’écriture d’un deuxième ouvrage. Je ne souhaite pas en dire plus. Je peux quand même vous dévoiler le thème de ce livre : au travers d’une fiction, je vais mettre en lumière les problèmes éthiques relatifs à la consommation de viande. Soyez patients pour la suite !

 

« Quand on veut changer le monde, on a tendance à être idéaliste. On souhaite être vertueux et parfait sur toute la ligne. Je crois qu’il ne faut pas viser trop haut, ne pas s’imposer trop de contraintes, et ne pas être trop dur avec soi-même. »

 

Quels sont les messages que vous aimeriez partager avec les membres de la communauté Shamengo ?

Quand on veut changer le monde, on a tendance à être idéaliste. On souhaite être vertueux et parfait sur toute la ligne. Je crois qu’il ne faut pas viser trop haut, ne pas s’imposer trop de contraintes et ne pas être trop dur avec soi-même. Je connais des restaurateurs qui proposent des menus organiques avec des ingrédients issus de l’agriculture biologique en circuits courts et reversent une partie de leurs revenus à des associations porteuses de nobles causes. Il est souvent difficile de tout concilier. Je crois qu’il faut tendre vers un certain degré de pragmatisme. Nous sommes juste des humains qui faisons au mieux avec ce que nous avons. Parfois, nous donnons à voir des signes de défaillance et d’incohérence. Et alors ? Peu importe. Une fois encore, il faut savoir s’accepter.

Concernant le volet entrepreneurial et le business model, je dirai qu’il est important de prendre en considération tous les possibles lorsqu’on lance une initiative. Entre le modèle économique « l’impact d’abord » et le modèle « le profit d’abord », il existe une large palette de choix et d’options qui peuvent allier des approches économiques et sociétales. L’argent n’est pas un tabou, l’argent n’est pas sale. Il ne faut pas en avoir peur. L’utiliser pour créer de l’impact me semble la bonne approche. En résumé, je recommande de réfléchir de façon non binaire sur un mode ouvert.

Enfin, je crois que le succès d’un projet repose sur la capacité du dirigeant à s’entourer des bonnes personnes. Compétentes et dignes de confiance, elles sont des atouts incontestables pour la réussite d’un projet. On ne réussit jamais seul.

 

(Re)découvrez le portrait vidéo de Tobias Leenaert

Que sont-ils devenus ?

Shamengo a tourné votre portrait de pionnier Shamengo en 2012. Où en êtes-vous aujourd’hui ? Qu’est devenu votre projet ?

Je vole toujours avec différentes espèces d’oiseaux. Mais, il y a du nouveau bien sûr ! Jamais je n’aurais cru qu’un réalisateur de cinéma s’intéresse à moi et à mon projet. Et c’est ce qui est arrivé ! L’année dernière, Nicolas Vanier m’a proposé d’adapter mon histoire pour le grand écran. Le film, qui a été tourné il y a quelques mois, met à l’honneur ma passion pour les oiseaux, en particulier les oies naines à front blanc. Depuis plus de vingt ans, mon combat vise à sauver les espèces migratoires en voie de disparition. La première migration des oies a eu lieu en 1999. Mon objectif est de les réintroduire dans la biodiversité. Des Suédois ont développé une méthode qui ne me plait guère : elle consiste à lâcher dans la nature de nouvelles générations d’oies sans parent. Les ornithologues savent comme moi que, sans guidance ni repère, ces oiseaux se retrouvent vite perdus. Personnellement, je m’y prends autrement : j’envisage de faire migrer les oies avec mon ULM. J’ai proposé cette approche aux Suédois en espérant qu’ils la valideront.

Pour revenir au film, il met en scène une cinquantaine d’oies naines au côté des acteurs Mélanie Doutey et Jean-Paul Rouve. J’espère que ce long métrage permettra de relancer une dynamique concernant la réintroduction des oies naines dans la biodiversité. C’est triste à dire, mais elles n’existent quasiment plus. Elles se sont reproduites en Scandinavie jusque dans les années 50. Après, elles ont été exterminées par les chasseurs. Saviez-vous qu’un tiers des populations d’oiseaux ont disparu en 30 ans ? Cela représente près de 421 millions d’oiseaux en Europe. Je suis conscient que mon action n’est qu’une goutte d’eau dans l’océan, mais je me sens investie d’une mission : protéger les oiseaux migrateurs contre les effets dévastateurs du système capitaliste. Malheureusement, en Europe, capitalisme et écologie ne riment pas. L’érosion de la biodiversité est déjà avancée. L’écologie ne peut pas résister face aux lobbies. L’agriculture intensive, qui vise toujours des rendements plus élevés est en partie responsable de la situation.

Heureusement, mon action de sensibilisation à la nature et à ses trésors semble porter ses fruits. Les personnes qui me sollicitent pour effectuer un vol avec les oiseaux sont de plus en plus nombreuses. Et cela me comble de joie !

 

Quel est votre plus beau moment ? Et le pire ?

L’été dernier, je volais à haute altitude avec les oiseaux au milieu d’un fjord en Norvège. Le paysage qui s’offrait à mes yeux était absolument magnifique, paradisiaque ! Je voyais cette immensité bleue, le vide sous moi, et le regard des oiseaux croisait le mien. Ils semblaient me reconnaitre comme leur guide. J’ai vécu ce moment mémorable tel un privilège et un instant de vulnérabilité. La nature est si grandiose qu’elle rend l’homme humble.

Curieusement, une expérience de vol similaire s’est transformée en un choc intellectuel et émotionnel. C’était il y a trois ans. Je volais en Chine et j’ai assisté à un terrible paysage de désolation marqué par une extrême pollution et une opacité quasi totale au point de ne plus voir le soleil le jour ni les étoiles la nuit. Pour ceux qui ne le savent pas, les oiseaux ont besoin de ces repères du ciel pour pouvoir s’orienter. Durant mon vol, je n’ai vu aucun oiseau. Rien. Le néant. Heureusement, je volais avec mes oiseaux et quelque part, j’étais fier de montrer aux Chinois que c’était possible. Je fais quand même remarquer que les Chinois mettent en œuvre d’importants moyens pour préserver les grands espaces naturels. Ils sont conscients du déclin à l’œuvre de la nature. Ils veulent sauver la planète, mais aussi se sauver eux-mêmes. C’est une question de survie !

 

« Ma sincérité et ma naïveté ont été une chance. Je ne me suis jamais attaché à ce que les gens pensaient de moi. »

 

Quels sont les enseignements que vous avez tirés de cette expérience ?

J’ai toujours investi beaucoup d’énergie dans mon projet consistant à voler avec les oiseaux migrateurs parce que c’est ma passion, c’est ma vie. Je vibre quand je suis là-haut avec eux pour les guider et leur montrer le chemin. Je n’aurais jamais pensé qu’un jour, des gens s’intéresseraient de près à ce que je fais. Je pars en Chine d’ici quelques jours. Je vais m’entretenir avec des hauts officiels et des décideurs économiques pour les sensibiliser encore davantage à la question écologique. Je suis météorologue de formation. Ma passion pour les oiseaux m’a encouragé à étudier l’ornithologie, et mon amour pour la nature à devenir écologiste. Ma sincérité et ma naïveté ont été une chance. Je ne me suis jamais attaché à ce que les gens pensaient de moi. De nos jours, je crois qu’il est fondamental de retrouver une forme de spiritualité. La nature est pour moi un miracle de la vie. Voler avec les oiseaux est d’une rare beauté, et entrer en communion avec eux, une expérience presque mystique. Là haut, avec mes oiseaux en formation, je ressens un formidable courant d’énergie qui ressemblerait à la thérapie quantique.

Je dois avouer que je suis d’un naturel inquiet. Au fil des années, j’ai dû apprendre à me défaire de l’angoisse, j’ai appris à faire confiance et j’ai fini par me laisser guider par le destin. Le lâcher-prise a du bon, car, en général, il permet de réaliser sa mission de vie. Faire voler les oiseaux, les protéger, les aimer, telle est ma vocation. Je crois aussi que la transmission fait partie de mes talents. Je suis heureux de faire découvrir ma passion et mon engagement à divers publics. Je me souviens encore d’un vol particulièrement émouvant avec une jeune femme hémiplégique…

 

Quels sont vos projets d’avenir ?

Tout d’abord, j’attends avec grande impatience la réponse des équipes suédoises concernant mon protocole avec les oies naines. Si leur réponse est positive, cela nous permettra à tous d’avancer dans le bon sens. Deuxièmement, j’ai hâte que le film de Nicolas Vanier sorte sur les écrans en octobre 2019. Je suis certain que cette histoire romancée qui est la mienne fera bouger les lignes et éveillera les consciences. Troisièmement, j’ai envie d’étendre mes activités dans ma ferme dans le Cantal. Nous avons une ferme sur un terrain de 25 hectares. Mon idée est de recréer des biotopes pour les oiseaux, les batraciens et les amphibiens. Concrètement, je souhaite « re-naturer » des espaces et créer des zones de vie en plantant des espèces végétales pour nourrir les oiseaux, en installant des nichoirs, en creusant des retenues d’eau comme des étangs et des marécages. Voilà ce qui me tient à cœur pour les prochains mois et années à venir.

 

Quels sont les messages que vous aimeriez partager avec les membres de la communauté Shamengo ?

Dans une société dominée par le capitalisme, il faut savoir rester à l’écoute du Beau, faire ce que l’on aime et contempler la nature. Aujourd’hui, j’encourage les gens à porter un gilet jaune. Nous n’avons plus le temps d’attendre les politiques pour changer le système. Il est urgent de modifier nos logiciels de pensée. Il est nécessaire que le peuple exprime sa colère, pacifiquement, pour récupérer de l’autonomie et changer les modes de la représentation démocratique. J’invite tous ceux et celles qui lisent cet interview à se couper des médias télévisuels et des radios du service public. Je recommande d’aller sur internet pour s’informer et dans la nature pour se ressourcer. Je revendique le fait d’être Gilet jaune. Ces derniers mois, j’étais sur les ronds-points. J’ai apprécié me retrouver avec des personnes que je ne connaissais pas, et qui partagent avec moi une vision et des objectifs communs pour créer la société que nous voulons demain. J’ai ressenti un vrai sentiment de fraternité.

 

 

(Re)découvrez le portrait vidéo de Christian Moullec